viernes, 10 de abril de 2009

EL VERDADERO VIAJE


Attention! Attention!
nous sommes sur le point de sombrer.

Vous avez cru,
que nous naviguions
sur un puissant transatlantique
et cependant je vous le dis:
ma vie
est un petit radeau amoureux.

Je vois surgir entre les ombres
une lumière que personne n’éteindra.
Formée de vers et de parfums
comme des vents insondables
comme une cataracte de chair
abandonnée
qui enfin
trouve son royaume.

Royaume de nuages,
d’antiques parfums
et de parfums inconcevables.
Petits radeaux amoureux
toujours sur le point de sombrer.

Pour l’instant
ramer sera la seule passion
jusqu’à atteindre le poème
en ce mouvement.

Ramez jusqu’à rester sans forces et, là,
vous comprendrez le motif de ma passion.

Nous irons sur les plus beaux fleuves
et avec le temps
nous oserons les grands océans
la beauté des pleines bourrasques en mer
et nous craindrons toujours de disparaître,
petits, dans cette immensité qui nous entoure.

Savoir nager ou être grandioses
ne servira à rien
pour arriver
nous devrons maintenir
le radeau à flot
et nous, nous maintenir
sur le radeau.
Voilà
tout le mystère.

Un jour le radeau se brisera
en mille fragments
et chacun
devra apprendre
à se maintenir sur des morceaux de bois.

Si le poème est possible, possible est la vie.

Ramez,
agonisez en ramant
jusqu’à sentir que seul
c’est impossible.
Restez sans forces.
Regardez comme d’autres rament
et comme je rame moi-même
les mains
ensanglantées par l’effort
sans repos,
jusqu’à trouver dans ce mouvement
le poème.

Et chacun aura son petit radeau
amoureux.
Maître de sa vie et de sa mort
il peut s’étendre sur le radeau
pour toujours
ne plus ramer
et laisser les eaux
l’emporter n’importe où.

Et un autre ramant
désespérément
en le voyant
écrira un poème.

Ramer dans n’importe quelle direction ne sert pas non plus.

La terre que promet
la poésie
est toujours la même.
On y arrive ou l’on n’y arrive pas.
Elle a besoin de rois
de centaures
elle ne se laisse ensemencer
que par des révolutionnaires et des fanatiques
par des hommes qui sur sa terre
construisent leur maison et leur famille
leurs grandes illusions.

Celui qui répète ce qui est fait ne la trouvera jamais.

Ramez
pour arriver à cette terre
comme personne n’a ramé
et il vous sera offert
à votre arrivée
des mets qui n’ont jamais été
offerts à personne.

Et dans les nuits de désillusion,
quand rien n’est possible
dans cette obscurité
demandez aux plus vieux
qu’ils vous racontent
des grands navigateurs
leurs anciennes prouesses
dans de petits bateaux en papier.

Chaque étape parcourue
aura ses dangers.
Rien ne sera facile pour le poète.

Viendra l’amour et il faudra s’éprendre

jusqu’à sentir que la chair
tremblante est un poème.
Et ainsi arrivera
l’inoubliable nuit,
où pour un instant,
cette passion sera la poésie.

Face au doute ne pas cesser de ramer.

Prendre dans nos bras,
fortifiés comme des griffes
par la cruauté de l’exercice,
la personne aimée
et continuer à ramer
avec les dents s’il le faut.
Avec le temps elle, aussi,
ramera avec nous.

Ensuite, à deux, à trois,
entre tous,
une fois rompue l’immensité de l’unique
la mort viendra.
Et avoir du courage ne servira à rien
parce qu’elle se vante
d’avoir tué
tous les braves
à la première rencontre.
Et être lâche non plus
parce qu’elle tue tout ce qui fuit.

Pour rencontrer la mort
il faut
avoir appris quelque chose de l’amour:
Ni fuir. Ni s’en prendre à rien.
Apprendre à parler tranquillement
c’est ce qu’enseigne l’amour.

Quand elle s’approchera
et elle viendra nous chercher
avec son regard immense
comme elle-même est immense
la laisser s’approcher
jusqu’à ce qu’elle entende
notre respiration
entrecoupée par la rencontre.
Et elle, attendrie
comme à son habitude
nous tendra la main
pour que nous accompagnions
votre majesté
à l’immutable
règne du silence.


quand s’abandonner
est le plus facile
la regarder
dans les yeux
l’immensité
qui lui appartient
et lui dire sourdement:
Mort aimée
mon amoureuse
j’écrirai ton nom
sur tous les murs
j’embrasserai
sans crainte tes lèvres
comme jamais
aucun homme ne l’a fait
et je t’aimerai tu verras
parmi le sang,
dans les grandes catastrophes
et je t’aimerai aussi
quand un blanc bourgeon
règnera sur ton cœur.

La grande émotion
qui parcourt sa cape noire
en se retrouvant dans un poème
fait de la mort une femme.
Elle aussi finira par ramer
tranquillement jusqu’à la rive
et elle partagera mon pain et mes amours
et elle volera durant les nuits
pour abriter en son sein,
ceux qui ont cessé de ramer
et elle reviendra
pour me rencontrer
et me raconter ses prouesses.

Comme si chaque fois
était la première
je recommencerai à respirer
comme respirent les athlètes
et pour l’avoir appris d’elle
je la regarderai attendri et je lui dirai:

Ma mort amoureuse
et elle
sera heureuse.

Ensuite il faut continuer à ramer.

Alors, ils nous questionneront
et nous dirons:
nous avons été avec l’amour
et nous avons été, aussi,
avec la mort.
Au début ils ne nous croiront pas
ils diront que pour l’homme
c’est impossible.
Ils nous demanderont des preuves
nous, nous leurs montrerons
comme si c’était le ciel
quelques poèmes
et nous réussiront par ce geste
qu’arrive jusqu’à nous
le temps de la moquerie.

De grandes embarcations qui ne cherchent rien
parce qu’elles croient avoir
passeront une fois et une fois encore près de nous
en essayant de couler avec leurs jeux
notre petit radeau amoureux.

Ils nous appelleront
de leurs luxueuses embarcations,
des noms
dont on nomme les déchets.
Poètes. Fous. Assassins.
Et dans le brouhaha stupide de leurs jeux
tout sera possible.
Ils nous jetteront quelques pierres
et ils se diront
rien ne les offense et furieux
ils nous crieront:
Battez-vous, lâches! Défendez-vous.

Et après mille et mille fois encore
les yeux exorbités
par la fatigue
et aussi par la surprise de voir
notre petit radeau amoureux
suivant son chemin
et nous,
ramant tranquillement.

Après avoir traversé
sains et saufs le chemin de la moquerie
viendra je vous l’assure
le temps de l’or.

Lassés de leurs propres rires
ils voudront jouer à notre jeu.
Combien coûte cette planche
presque pourrie
que vous utilisez comme embarcation?
Et combien votre vie?
Combien ces vieilles cartes
de navigation
et combien ces poèmes?

Ils coûtent, monsieur,
ce que coûte à un homme,
cesser de s’appartenir
et s’abandonner au poème.

Combien d’argent cela coûte-t-il?

Tout et aucun
votre propre vie peut-être.

Combien d’argent coûte
alors ma vie?

Tout et aucun.
Votre vie ce sont des paroles
comme toutes les vies
et , cela, si j’ai bien compris,
ne vaut rien.

Et combien d’argent coûte penser ainsi?

Tout et aucun.
Il faut se plonger
ramer et ne rien attendre.

Voilà ce que ça coûte.
Se plonger et ne rien attendre
dans les ténèbres,
vers une autre obscurité plus grande
le poème.

Une fois amoureux
l’amour et la mort
et rejetés l’or
et la moquerie considérés impurs
viendra et de nulle part
parce qu’elle
a toujours vécu avec nous
la folie.

Le pire de tous les détroits.
Elle surgit imprévue,
la surprise
étant la loi de son destin
et elle ne vient pour aucune lutte
parce qu’elle amène le désir
de se lier d’amitié avec le poète.

Et quand elle arrive
elle nous dit entre murmures
que son monde
et le monde de la poésie
sont le même monde.

Face au doute il faut continuer à ramer.

Difforme elle se laisse modeler
par nos paroles
tandis qu’elle a
aussi sa grandeur

Je suis de l’amour, nous dit-elle,
ce déchaînement
et la passion
éternelle de la mort.

J’ai pour habitude
de mépriser l’or
et cependant
l’ardent désir de tuer
qu’engendrent ses lois
est intoxiqué de folie.

Là, elle et la poésie se ressemblent.

Au moment de se rejoindre
dans notre regard,
comme si elles étaient une seule chose
la poésie, vieille louve de mer,
rame un moment avec nous
pour nous montrer
que la folie depuis qu’elle est arrivée
reste dans le même coin
du petit radeau,
sans ramer
se rappelant tout le temps
son passé.

Contents
d’avoir compris
la différence
nous enfermons la folie
dans un poème
et nous continuons à ramer
jusqu’à ce qu’un jour
convaincus de sa maladresse
pour la navigation
nous l’abandonnions
à l’amour et à la mort
pour que la folie
apprenne à voler.


MIGUEL OSCAR MENASSA
LA POESIA Y YO- Poemas del exilio-2000
aux Éditions GRUPO CERO

traduit de l’espagnol par:

Claire Deloupy

avec la collaboration de:

Clémence Loonis

Cuadro:

" Gruta del caminante" de MOM

www.momgallery

1 comentario:

Mónica Angelino dijo...

Te felicito amiga, es una gran tarea muy generosa de tu parte difundir de esta manera con traducciones.

Un abrazo.